Nous apprenions le décès de Lou, 11 ans, le 22 décembre dernier, découvrez le
témoignage de sa maman qui a expliqué étape par étape ce que sa fille a enduré…
L’arrivée aux urgences de Lou
« Lou, ma fille de 11 ans, a été prise de douloureux maux de ventre avec vomissements le jeudi 6 décembre dernier.
Elle avait 38 de fièvre.
Pour situer le contexte, Lou avait déjà été victime d’un retard de diagnostic à la naissance et s’était retrouvée avec une paralysie cérébrale en fauteuil roulant. Sur le moment j’ai pensé à une gastro et je l’ai gardée à la maison le lendemain.Mais le samedi matin, sa douleur était toujours aussi intense.
J’ai appelé alors SOS médecins. Songeant à une colique néphrétique, la médecin qui l’a examinée nous a dit qu’il fallait faire une imagerie de l’abdomen aux urgences… »« A l’accueil, la dame a interrogé Lou sur l’intensité de sa douleur.
Elle a été cotée à 10/10. Pourtant, nous avons attendu plus de 5 heures dans la salle d’attente. Je voyais ma fille se tordre de douleur sur son fauteuil.J’ai essayé plusieurs fois d’attirer l’attention de l’accueil sur sa souffrance et la nécessité de la prendre en charge rapidement.
On m’a dit que le médecin avait son dossier donc c’est lui qui décidait de l’ordre de priorité des patients… Pourtant des petits patients arrivés après elle lui passaient devant.Pourquoi ? »
« Enfin examinée, le praticien se limite à une simple palpation du ventre, une auscultation de son cœur et de sa gorge.
Pas de prise de tension, pas d’imagerie, ni prise de sang… Rien que la seule appréciation du médecin.Ma fille de 11 ans n’a pas été écoutée par le médecin alors qu’elle a clairement et explicitement exprimé son niveau de douleur.
Ce médecin a diagnostiqué une angine virale. J’ai insisté pour faire une image du ventre demandé par SOS médecins.Elle a refusé.
Nous rentrons chez nous avec une prescription pour de doliprane. »La deuxième arrivée aux urgences de Lou
« Sa douleur abdominale étant encore plus intense, nous revenons le lendemain à Necker vers midi.
Bien que nous venions une deuxième fois, Lou attend encore 6 heures, sans prise en compte ni prise en charge de sa douleur.Cette fois-ci, une échographie abdominale, une radio du thorax et une analyse urinaire sont effectuées.
On nous dit que quelque chose bloque dans le colon, sans autre précision. Le médecin préconise un lavement à la maison. Nous insistons pour qu’il soit réalisé à l’hôpital.Une fois fait, ma fille souffre encore, mais nous sommes renvoyés chez nous.
Aucun examen de contrôle n’a été fait après le lavement. Aucun examen complémentaire n’a été entrepris pour comprendre sa douleur. Personne n’a montré son échographie à un chirurgien viscéral.Ils l’ont laissée repartir alors qu’elle souffrait atrocement.
On m’a dit qu’il y avait trop de monde, qu’il fallait donc rentrer chez nous. »« Désemparée face à la souffrance de ma fille, j’ai pris rendez vous en urgence lendemain matin chez notre pédiatre de ville. Il a fait confiance à Necker, hôpital de référence. Le mardi 10 décembre, souffrant encore plus terriblement encore, nous réalisons le matin une imagerie dans un cabinet privé. Le radiologue nous a enjoint de partir, en urgence, à Necker, en chirurgie viscérale : Lou faisait une péritonite. »
Après trois jours, Lou est diagnostiqué avec une gangrène !
« Trois jours après sa première consultation aux urgences à Necker, Lou est enfin admise en chirurgie viscérale.
Prise en charge à midi, elle sera alitée sur un brancard, avec une sédation qui ne la soulage même plus.Elle devra encore attendre 5 heures pour faire un scanner abdominal, alors qu’elle est admise en urgence en chirurgie viscérale.
Pourquoi ? Le chirurgien était introuvable sur le moment, puis il manquait une clé… Elle ne rentrera au bloc qu’à 18h00.L’opération durera 3h30.
Au sortir du bloc, les médecins nous annoncent une gangrène de l’intestin grêle. Plongée dans un sommeil artificiel, Lou restera 5 jours, le ventre ouvert. Elle sera opérée encore deux fois alors qu’elle avait apparemment fait une septicémie.»
« Elle m’avait dit avant d’aller au bloc « maman je vois tout noir »… Ma fille est décédée le 22 décembre dernier dans le service de réanimation de l’hôpital Necker.
Les chirurgiens n’ont pas pu la sauver car elle a été prise en charge trop tard.Elle a eu une torsion intestinale, à priori sur un fécalome qui n’a pas été diagnostiqué à temps.
Elle a été opérée bien trop tard. Lou a souffert le martyre pendant plusieurs jours. Les médecins ne l’ont pas écoutée et elle n’a été orientée en chirurgie que lorsque la situation était déjà une urgence vitale.C’est d’autant plus dur qu’elle avait déjà été victime d’erreur diagnostique à la naissance et avait fait une anoxie cérébrale au cours d’une opération trop tardive.
.Lou aura traversé tellement d’épreuves dans sa courte vie…
« Lou était une petite fille vive, intelligente, cultivée, qui s’exprimait parfaitement.
Elle avait beaucoup de volonté et de courage.
Elle était scolarisée en 6ème, au collège Buffon, dans le 15ème arrondissement de Paris. Elle faisait face, avec beaucoup de dignité, aux tentatives conscientes ou inconscientes de discriminations, aux maladresses d’une société qui n’est pas à l’aise vis-à-vis du handicap.»
Au-delà de la tristesse et du chagrin qui nous étreignent, il nous semble important de communiquer sur ce drame, intolérable aujourd’hui en France, à Necker, hôpital de référence mondiale.
Je pense que cette tragédie s’inscrit directement dans le contexte actuel des démissions administratives des chefs de service de l’APHP en masse, des grèves des médecins par manque de moyens.Toute cette situation catastrophique de l’hôpital en France doublée de l’incompétence des médecins: médecins trieurs aux urgences incapable d’évaluer la priorité des urgences, sans parler du fait de leur arrogance car ils prennent les parents de haut les considérant incapables de comprendre, sans mentionner qu’étant handicapée moteur elle aurait dû passer en priorité.
Tous ces faits ont une conséquence qui a un prix : celui de la vie d’une enfant de 11 ans en pleine force de sa puberté.
« Je pense que nous devons mettre en lumière ces graves dysfonctionnements à l’hôpital afin de ne plus voir d’autres victimes souffrir comme ma fille. Perdre un enfant en France, à Paris qui plus est pour des raisons aussi incompréhensibles, est intolérable pour un n’importe quel être humain, et plus encore pour une mère. »